STEPSol : produire une énergie propre en Corse et ailleurs
Vu dans la presse (Corse Matin du 16 août 2021) ► Jeune et innovante entreprise insulaire, Stepsol, issue de l'Incubateur de Corse – INIZIÀ –, propose de produire localement de l’électricité en couplant les énergies solaire et hydraulique grâce à des micro-step. L’incroyable défi d’une équipe survoltée.
Créée en septembre 2016 et domiciliée à Canari, Stepsol a pour objet de développer des « micro-step » (stations de transfert d’énergie par pompage) afin de produire de l’énergie de manière non polluante, et ce partout, y compris dans des zones où l’électrification s’avère complexe. « L’intérêt de la batterie hydraulique est de coupler l’hydraulique à du solaire et de créer des sites de production d’énergie en utilisant des ressources naturelles. Une idée simple qui nécessite un développement complexe autour d’un important programme de recherche et développement », explique Didier Pierrat-Agostini, président de Stepsol. Un projet séduisant, aux vertus écologiques et économiques évidentes, qu’il mène avec son équipe sur la plateforme expérimentale de Paglia Orba, au centre de recherche scientifique de l’université de Corse, à Vignola.
De l’idée à la concrétisation
À l’origine de Stepsol, se trouvent des photovoltaïciens, notamment Philippe Malbranche et Denis Blanquet de l’Ines (Institut national de l’énergie solaire) ainsi que Tina Le Mao, jeune docteure. Ils ont souhaité développer autrement le solaire. Concrètement, la limite de l’énergie solaire est son intermittence. Quand les nuages ou la nuit arrivent, la production d’énergie diminue. Or, en Corse, le pic de consommation de l’énergie est principalement le soir. Pour pouvoir continuer à déployer le solaire, il faut donc développer les solutions de stockage de l’énergie. Le principe de la micro-step est assez simple (voir lien vidéo), il nécessite du dénivelé (plutôt commun en Corse) et des équipements robustes et assez rustiques : deux bassins, un en bas, un autre en haut et une pompe alimentée par des panneaux solaires, qui fera monter l’eau du bassin bas vers le bassin haut en journée. Quand les panneaux solaires cessent de produire, l’eau redescend du bassin haut vers le bassin bas et alimente une turbine qui permet de continuer à produire de l’électricité (eau en circuit fermé, un seul remplissage nécessaire). C’est le principe innovant de la batterie hydraulique.
Innovation et insularité
« Si les step existent depuis très longtemps, précisent Didier Pierrat-Agostini et Tina Le Mao, nous innovons sur plusieurs domaines : le couplage optimisé avec le solaire(notamment grâce à des algorithmes de pilotage) et le dimensionnement (les structures sont petites, s’adaptent au besoin et s’intègrent au paysage grâce au travail d’architectes-paysagistes). Par ailleurs, ces petites unités de production d’énergie participent au développement de l’économie insulaire, plus de 75 % d’une installation complète est construite en Corse par des entreprises locales. Enfin, potentiellement exploitables en tant que citernes incendies, les bassins seront mis à disposition des pompiers en cas de départ de feu. » Stepsol est déjà en relation avec les acteurs du feu sur le territoire.
Une solution pour le réseau corse et les sites isolés
« Quand les stations thermiques produisent de l’électricité en Corse, notamment entre 18 heures et 22 heures, le coût marginal est très élevé, notre solution de production d’énergie, sur le réseau corse pendant ce pic de consommation, est moins coûteuse et plus propre », précise Didier. « Cela s’applique aussi pour des sites isolés, les zones que l’on appelle les bouts de ligne ou off-grid (hors-réseau), où il est possible d’installer des micro-step après étude », complète Nathan Guignard (ingénieur doctorant en charge de ce développement). « L’idée est d’augmenter l’autonomie de l’île et dans l’île, pour une production propre et locale, et de limiter les gaz à effet de serre », comme le prévoient les accords de Paris sur le climat. « Ce serait le cas pour un village isolé comme Muna. Nous avons réalisé une étude de faisabilité pour électrifier le site sur la demande de la Communauté de communes de Spelunca-Liamone », ajoute Didier. Sur ces créations de réseau, Stepsol vient d’ailleurs de remporter un « Fasep innovation verte », dispositif porté par le ministère de l’Économie, le ministère de la Transition Écologique et l’Agence française de développement qui accompagne à l’international les entreprises innovantes et durables à fort potentiel. « C’est une première pour une entreprise corse. »L’installation électrifiera deux communautés indigènes en Colombie.
Dispositif reconnu comme compétitif et durable
« Pour la première fois, une alternative de stockage autre que la batterie lithium a remporté un appel d’offres de la CRE (Commission de régulation de l’énergie), notre dispositif est compétitif. » Pour autant, est-ce réellement de l’énergie verte si l’on l’utilise des panneaux solaires à durée de vie limitée ? Tina Le Mao souhaite rassurer : « Ces panneaux solaires sont garantis pour au moins 25 ans, ils sont fabriqués à grande échelle, il est vrai en Chine, nous n’avons pas le choix. Mais d’un point de vue environnemental, 95 à 98 % d’un panneau solaire sera recyclé. Il faut aussi retenir que l’émission en CO2 de notre installation complète est très faible : 100 gCO2/kWh à comparer au 700 gCO2/kWh pour une centrale fioul. » Une autre question se pose : au lieu de produire toujours plus d’énergie, ne faudrait-il pas, au contraire, « mieux éduquer pour consommer moins » ? « La meilleure réponse est donnée par les Colombiens »,répond Didier. « Actuellement, leur village dispose de quatre heures d’électricité par jour, grâce à un groupe électrogène polluant. Ils ont simplement demandé une énergie 24h/24 pour électrifier principalement des réfrigérateurs (pour des médicaments et la conservation des aliments), ainsi qu’une photocopieuse pour leur administration. Qui serions-nous pour les limiter dans leur consommation ? Plus généralement, notre réponse amène à rationaliser l’énergie et surtout à la substituer au thermique. » Une réponse durable et écologique pour Stepsol, « dont l’ADN est la recherche » et qui, en permettant de produire de « l’électricité fortement décarbonée », pourrait participer activement à l’autonomie énergétique de la Corse, en réduisant la consommation d’énergie fossile grâce à une gestion optimisée de l’énergie solaire par le stockage.
Stepsol, histoire d’une entreprise innovante
Président de Stepsol, Corse par sa mère, Didier Pierrat-Agostini a fait des études d’économie à Paris avant de travailler au Japon, avec des entreprises et l’université japonaises. Pour rapprocher les deux îles, il a porté plusieurs projets dont une coopération entre la Corse et Okinawa, où il découvre la technologie de Step Marine.
Avec d’autres chercheurs insulaires, il réfléchit à une adaptation innovante de cette technologie pour la Corse, crée Stepsol qui entre dans l’incubateur insulaire Inizià et suit le parcours classique d’une start-up, l’innovation primant sur la compétition. Lauréat en 2018 de la Vitrine de l’innovation au salon international de Pollutec à Lyon (donnant lieu à un premier article dans le journal Les Échos), l’entreprise insulaire déroule son programme de recherche, soutenu par l’Adec et remporte en avril 2020 un appel d’offres de la Commission de régulation de l’énergie pour le projet Mausoleo. Après l’intégration de Tina Le Mao, cette petite structure reçoit l’aide de nouveaux collaborateurs comme Damien Casanova, apprenti ingénieur issu de la licence pro « énergies renouvelables » de l’université de Corse, Nathan Guignard, ingénieur mécanique à Nantes et au Pérou, qui effectue actuellement, en collaboration avec l’université de Corse, une thèse sur l’utilisation de la batterie hydraulique en site isolé, ainsi que Julien Bou Abboud, ingénieur en stage pendant six mois, de l’école Polytechnique de Paris.